Retour d’une crise financière: risques pour les épargnants et tous les autres (P II)
Que se passerait-il pour nos comptes bancaires dans le cas d’une nouvelle crise financière ? Lumière sur la double stratégie de l’état et des banques. Par Pierre-Gilles Bellin, auteur des « Ecosolutions à la crise immobilière et économique » (Eyrolles).

Où se trouvent aujourd’hui les liquidités des Français (donc hors immobilier, lequel n’est pas « liquide ») ?
Le montant des liquidités des Français, de leurs comptes de dépôt à leurs comptes à terme (voir le détail ci-dessus) représente près de 1 900 milliards d’euros, soit presque le montant de la dette publique. 99% des Français ont un compte (pour 59% en moyenne mondiale).

En France, voici ci-dessous le montant des billets en circulation : 120 milliards, soit 6,3 % du montant des dépôts bancaires, 58 % étant des billets de vingt euros :

Shizuya NISHIMURA et Kazuhiko YAGO, deux étudiants japonais, ont reconstitué la masse monétaire en 1913 (http://www.persee.fr/docAsPDF/hes_0752-5702_2006_num_25_2_2592.pdf) : on voit (tableau ci-dessous) que l’or métallique représentait alors 29 % de la masse monétaire, et l’argent métal 11, 3%, soit en tout une quarantaine de pour cents. (1913 : c’était l’époque de la convertibilité du Franc en or, c’est-à-dire que tout billet papier pouvait être échangé dans ce métal. A l’époque, personne n’imaginait qu’une monnaie puisse ne pas être convertible en or :


La convertibilité en or des devises européennes fut définitivement abandonnée après la guerre de 1939-1945, les réserves d’or ayant servie à payer l’achat de matériel de guerre (entre autres), sachant qu’elles étaient convertibles en dollars qui lui-même était convertible en or. La convertibilité en or du dollar fut elle-même abandonnée par Richard Nixon en 1971, en partie parce que la France de De Gaulle transforma en grandes quantités ses dollars en or, pour casser le système de Bretton-Woods (comme cela s’appelait). Le cours de l’or s’envola (ci-dessous) :
En septembre 2017, l’once d’or atteignait environ 1 300 euros. Si on fait un zoom sur la période liée à la crise de 2008, on s’aperçoit que le cours de l’or bondit, illustrant bien ce qu’est une valeur refuge, c’est-à-dire une valeur qu’achète les investisseurs qui fuient les marchés financiers devenus incertains (source : France Inflation). L’état français possède une centaine de milliards d’or physique. Les Français possèdent eux-mêmes une quinzaine de milliards d’euros d’or, soit environ 400 tonnes, ou plus exactement 14 millions de personnes en possède chacune 50 g tout au plus, et ce surtout en comptant les bijoux (92 % de ce total).
Peut-il y avoir une monnaie purement numérique ?
Oui. L’histoire des monnaies est celle d’une abstraction croissante, d’une dématérialisation croissante qui suit la dématérialisation des échanges, suivant en cela l’expansion des communications numériques. Il est possible de faire fonctionner une économie sans argent liquide. Il existe une monnaie purement numérique inventée par un hacker anonyme, le « bitcoin », dont la valeur est déterminée par l’offre et la demande, tandis que le système comptable est engrammé dans des disques durs (les bitcoins que vous détenez sont des créances sur quelqu’un que vous ne connaissez pas, un peu comme tout billet, ou tout comme votre compte en banque est censé être une créance sur votre banque, c’est-à-dire une dette que vous détenez sur elle). Concrètement, toute cette comptabilité passe de disque dur en disque dur (pour décentraliser et garantir le stockage des données comptables), formant une chaîne de disques durs (qui peut être le vôtre) : c’est la « blockchain ». Mais aucune autorité centrale ne garantie la valeur de cette monnaie virtuelle : c’est pourquoi, sur Internet, des tas de sites loufoques proposent prétendument des bitcoins contre vos euros. Les disques durs peuvent être hackés, mais à part quelques escroqueries le système semble fonctionner, tout en restant marginal. Il permet de payer sans laisser de traces toutes sortes d’objets, et peut bien sûr servir des réseaux mafieux, ainsi qu’au blanchiment… Même si les mafieux détiennent en général des comptes dans des paradis fiscaux en monnaies bien officielles… Le bitcoin est très spéculatif : ainsi, la valeur du bitcoin contre l’euro n’a cessé de grimper, illustrant que le bitcoin est plus demandé qu’il n’est offert (en partie car il est rare.. et compliqué à utiliser. Mais vous pourriez échanger − et même vous pouvez̶ − échanger des bitcoins de smartphone en smartphone. Voir aussi « Monnaies digitales : aller simple vers le futur », par axiaman (28 septembre 2017, https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/monnaies-digitales-aller-simple-197204)

Tout pays peut décider de numériser complètement sa monnaie : ainsi l’Inde l’envisage-t-elle, alors que le pays effectue 78 % de ses transactions en cash. C’est l’adoption par un pays de la technologie du block-chain, inspirée des bitcoins. L’Inde pourrait être suivie par la Chine (qui a interdit à ses nationaux d’utiliser le Bitcoin).
2012-2013 : quand un état européen suspend la convertibilité des comptes bancaires en billets. Sueurs froides à Chypre.
Bulle touristico-immobilière, artificialisation des côtes, fin de l’agriculture locale, bulle financière, blanchiment, déficits constants, secteur bancaire hypertrophié, le tout dans une île coupée en deux : après les défauts de paiement de la Grèce en 2011-2012, les banques de Chypre qui lui ont prêtée des milliards d’euros ne peuvent plus faire face à leurs pertes, notamment Bank of Cyprus. La crise est telle qu’une aide en urgence de 10 milliards d’euros est accordée par l’Union européenne (près de la moitié du PIB de la demie-île), en échanges de deux taxes, qui seront directement prises sur les dépôts bancaires (donc pas seulement prises sur les comptes des Chypriotes, mais sur beaucoup de fortunes russes qui profitaient de ce paradis fiscal) : 6,75 % sur les dépôts de moins de 100 000 euros, 9,9 % au-dessus de 100 000, le tout devant rapporter environ 6 milliards d’euros. Devant la panique qui pourrait aboutir à des retraits massifs d’argent liquide, les agences bancaires resteront provisoirement fermées. Refus des Chypriotes : finalement les dépôts de moins de 100 000 euros seront épargnés, mais au-delà de 100 000 euros plus de 40% des sommes déposées… seront finalement transformées en actions qui ne valent alors plus rien de la Bank of Cyprus… Quatre ans plus tard, le pays aura rebondi, grâce au tourisme et à sa fiscalité, et son droit bancaire anglo-saxon qui en fait une porte d’entrée idéale vers toutes les places anglo-saxonnes pour les capitaux russes (l’île, grecque et orthodoxe, sait bénéficier de sa proximité culturelle avec le quasi voisin russe).
Première réponse de l’état français : « liquider » les liquidités pour sécuriser sa dette
Développement du paiement sans contact pour les micro-règlements chez les commerçants ; interdiction des transactions en cash de plus de 1 000 euros ; disparition du billet de 500 euros. Selon Michel Sapin, ex-ministre de l’économie sous Monsieur Hollande, « La première volonté, c’est de faire reculer le cash et l’anonymat dans l’économie (…) Nous avons besoin de tracer les opérations suspectes. » L’économie criminelle formerait 5 % du PIB en France, le seul cannabis représentant 240 000 emplois, et faisant vivre indirectement plus d’un million de personnes (à mon sens une hypocrisie que le Colorado, aux USA, a totalement légalisé) ; mais l’ex-ministre visait sans le dire le travail dissimulé qui pèserait, lui, environ 10 % du PIB (20 % en Europe) selon un rapport du Conseil économique social (et environnemental) de 2006, soit un manque à gagner d’une trentaine de milliards d’euros pour les comptes publics.
On oublie au passage que le travail dissimulé concerne certes des entreprises, mais aussi beaucoup d’ouvriers et des donneurs d’ordres peu fortunés. A mon sens, l’avis de Michel Sapin est tout de même un peu téléporté : en multipliant par deux le nombre de juges, le nombre d’inspecteurs du travail, par exemple, l’état se doterait certainement de moyens plus suffisants ; quelques mois avant la crise chypriote, les fortunes russes les mieux informées avaient simplement transféré quelques milliards d’euros par des jeux de virement dans des lieux moins risqués. Mais, très précisément : la première loi Sapin a placé (en force) les inspecteurs du travail, hier indépendants (ce qui est peu connu), sous tutelle étatique, contre les syndicats. Monsieur Sapin n’a non plus jamais parlé de tracer et taxer les trading automatique, le shadow banking, cette finance fantôme inextricablement lié à la banque d’affaire. Sachant que c’est impossible de toute façon, car tout le back-office de la Bourse de Paris s’effectue à présent dans la banlieue de Londres, « notre » Bourse depuis longtemps dématérialisée n’étant plus qu’un compartiment de la place londonienne considérée dans son ensemble comme « off-shore », et comme un lieu de blanchiment.
Le vœu de Monsieur Sapin s’inscrit dans une tendance générale de traçage numérique, qui concerne tous vos règlements, de la baguette de pain au Kinder-surprise, avec le paiement sans contact. Il faut aussi relier cela au développement de logiciels de caisse qui vont être obligatoires à partir de janvier 2018, assurant la traçabilité du moindre paiement (si le commerçant fait une erreur, il doit suivre un protocole de rectification assez fastidieux). En fait, le problème d’un ministre de l’économie est d’abord le risque potentiel que représente le peu de liquidités existantes (120 milliards) par rapport au 2 000 milliards de dépôts en cas de faillite bancaire, dont l’une des causes pourrait être les retraits massifs par les déposants, leur perte de confiance : seuls en effet 6 % des comptes bancaires des Français sont convertissables en espèces… parce qu’après il n’y a plus aucune espèce. Cela signifie que si, en fait, votre compte en banque représente une créance que vous avez « consenti » à votre banque (un prêt) et qu’elle doit pouvoir vous rembourser « intégralement » en cash, si la monnaie papier disparaissait, nous resterions nus devant cette réalité : l’argent que nous déposons à la banque ne nous appartient pas.
En supprimant les liquidités, il semble à l’état qu’il diminue les risques d’un crash financier. En plus, il place l’ensemble des avoirs des Français sous la baguette de ses comptables : ceci est fondamental pour rétablir une balance structurellement déficitaire, rembourser des emprunts trop massifs, faire front à des besoins inattendus (exemple : l’impôt sécheresse de 1976 ; dès aujourd’hui, la lutte contre la submersion littorale en France − encore non chiffrée̶ – ; les 1,2 milliard de dégâts à Saint-Martin après le cyclone de septembre 2017 etc.). En outre, la loi Sapin II (2016) permet au gouverneur de la Banque de France de « retarder ou limiter », « en euros ou en unités de compte », les retraits de l’assurance-vie… les rachats eux-mêmes de portefeuille peuvent être interdits pour six mois. Et, en effet, les épargnants français détiennent une bonne partie de la dette publique (43 %), via l’assurance-vie. Autre limitation passée inaperçue des retraits en liquide : dans un bureau de poste autre que celui de votre domicile, vous ne pouvez plus retirer que 800 euros. En général, le montant maximum d’un retrait est de 1 200 euros ; au-delà, il faut poser une demande de mise à disposition de fonds. Depuis le 1er janvier 2016, les retraits ou dépôts en liquide supérieurs à 10 000 euros doivent être déclarés à Tracfin, le service du ministère de l’économie contre le blanchiment. C’est à travers tout cela que l’on lit que l’état français se prépare activement à gérer une crise financière 2008-bis. Ce qui me semble assez normal, d’ailleurs. Les terroristes ou les mafieux ont depuis longtemps la méthode pour occulter leurs transactions numériques. D’ailleurs, le même Michel Sapin estimera finalement à 30 000 euros le coût d’un attentat terroriste, ce qui revenait à se contredire (et 8% des attentats coûtent moins de… 100 dollars. Source : Norwegian Research Establishment).
Deuxième réponse de l’état et des banques : faire payer l’argent à ses utilisateurs
Faire payer tous les règlements, supprimer les distributeurs bancaires, c’est une économie majeure de fonctionnement (on supprime toute la « petite » banque manuelle aux guichets), une augmentation de la sécurité (je connaissais une agence qui avait un hold-up tous les deux mois) et un business (accroître les commissions bancaires). Je connaissais bien quelqu’un qui travaillait à l’inspection d’une banque (un peu comme la Chambre des comptes pour un établissement bancaire) : il appelait les agents des guichets les « GAB humains ». C’est extrême, mais ça donne un certain esprit. Faire payer les dépôts à vue : c’est une demande des banques depuis trois décennies, demande qu’avait vertueusement rejetée Pierre Bérégovoy, premier ministre de François Mitterrand dans les années 1990. On oublie souvent que les parcours de carrière dans la « haute » fonction publique passent souvent par la banque, et qu’ainsi les banques ont un poids « régalien » majeur. Ayant géré comme « consultant-junior » le lobbying de l’association qui réunissait les « back-officers » français, c’est-à-dire les informaticiens de gestion, je peux dire que ça ne pose aucun problème technique de faire payer ou de bloquer tous les retraits (c’est dans les logarythmes du GIE cartes bancaires) ; par ailleurs, il nous suffisait de téléphoner au fonctionnaire spécialisé du ministère pour avoir très vite une disposition qui nous était favorable, que seules quelques dizaines de personnes comprenaient mais qui concernait chacun, et ne passait pas par la loi (ce qui eût été interminable). (Je le sais, je l’ai fait ; par contre, j’ai oublié les détails techniques, mais non l’amicale bienveillance de mon interlocuteur)…. ou alors par un amendement après la xième navette assemblée-sénat que seul comprenait complètement le député initié par le lobbyist… et encore. Les back-offices bancaires sont même équipés pour gérer toutes les administrations, y compris de Sécurité sociale (qui ont fini par créer leur propre back-offices automatisés). En fait, les bases techniques de cette organisation ont été posées en France lors de la dématérialisation des actions et obligations et de la création de la cotation boursière en continu : vingt ans plus tard, l’augmentation des capacités de calcul et de stockage rend tout encore plus possible. A l’époque où je formulais dans mon coin cette idée de privatiser la Sécu (j’ai changé depuis), mon patron de l’époque, l’un des meilleurs consultants de la « Place » de Paris, me dit que ce n’était pas « gérable » socialement.
Le paiement, simple composante du marché global des données
Quand on essaye de lire le Michel Sapin entre les lignes, on réalise tout de même l’absolu convergence entre son souhait de tracer l’ensemble des paiements et le souhait des agences de sécurité, porté par François Hollande, de tracer l’ensemble des données numériques pour détecter en amont les « signaux faibles » du terrorisme. En ce qui concerne l’argent au moins, cela ressemble plutôt à l’argument d’un habile vendeur. En fait, il faut bien comprendre le saisissement des responsables économiques et politiques au moment des révélations d’Edward Snowden sur la systématisation des écoutes de la NSA, de la manière dont elle opère pour capter les données en amont (sur vos propres PC) à celle dont elle conserve tout, de manière symétrique à la conservation des données par Google ou Facebook : gérer ces données, les lire, les utiliser via des applications, les rentabiliser représentent un marché dont l’Europe et la France ne pouvaient pas être absentes, et un axe de recherche majeur où l’industrie de la « sécurité » est en pointe : les recherches sur « l’intelligence » artificielle ou non, l’ordinateur quantique (ce ce qu’il permet de décrypter tous les codes actuels) entreront, selon leur temps propre, dans l’économie officielle ; sur le mode de développement de l’Internet (et de beaucoup d’industries), du militaire vers le civil. On peut résumer cette industrie par : donnée ; cryptologie ; paramétrage. Nous sommes donc cordialement invités à croire que nous ne somme pas en sécurité ou à dire : « Moi, je n’ai rien à cacher ! » ; ça, on va vérifier… : un enfant dont les gênes sont en fait ceux du patron de votre femme ? Tendance à visionner des vidéos pornographiques homosexuelles ? Achat récent d’un canard vibrant ? Tendance à l’embonpoint, qui fait que votre banque, justement, vous prêtera à un taux légèrement supérieur ? Etc. Dans cette industrie, l’argent est la première des données, celle du lien commercial, permettant de voir où se trouvent les besoins. Pour créer complètement ce marché et le rentabiliser, il est donc préférable d’abstraire totalement le paiement. Intérêt financier d’un état sur-endetté, stratégies bancaires et sécuritaires se conjuguent pour faire disparaître la monnaie matérielle, et finalement privatiser les comptes bancaires et la monnaie elle-même, alors qu’il s’agit soit de biens privés pour les dépôts, soit de biens publics pour les pièces et billets. (Le paiement en pièces ou billets est aussi une facette de la vie privée de l’individu, pas seulement une manière d’échapper à la loi ou à l’impôt).
Conclusion de la Partie II
Il faut comprendre que tout haut-fonctionnaire (du préfet au fonctionnaire du Trésor) doit, comme objectif prioritaire, favoriser les parties de l’économie dont le poids est le plus important, et cela est le cas du secteur bancaire français : c’est le gènôme de ce type de fonctionnaire. Cependant, en matière de finance, la créativité bancaire, l’invention de nouveaux instruments, de méthodes parallèles, les marchés off-shore, etc., seront toujours en avance sur le régulateur… et il est presque impossible à celui-ci de gérer la prise de risque globale (en plus dans un espace international). En matière financière, l’état avance donc comme s’il n’avait qu’un rétroviseur et que son pare-brise était masqué (pour reprendre l’image du président du Crédit Lyonnais à l’époque du crash de cette banque)… L’état a donc peu connaissance en temps réel de l’état du risque financier global du pays, tant cela est dur à paramétrer. La variable la plus prévisible, c’est donc l’épargnant, ses réactions, son ignorance bien légitime, le tout bien catalogué. Faire payer l’argent, augmenter les commissions permettent d’améliorer le compte d’exploitation des établissements bancaires, de le sécuriser, ainsi que d’augmenter leur ratio de fonds propres, et donc les activités de banque d’affaire, les plus rémunératrices… mais peu contrôlables, malgré tous les « stress tests » bancaires imaginables (puisqu’une crise obéit à des lois peu connues au départ, sans quoi elle ne serait pas une « crise »).
Mais, pour un état en banqueroute, le traçage numérique des paiements et l’abstraction de la monnaie ne sont que les méthodes les plus récentes pour régler son problème. Donc, comment l’état français a-t’il imposé sa loi lorsqu’il faisait banqueroute ? C’est-à-dire le quart de son temps « historique ». Ce sera l’objet de la Partie III de cette série d’articles.
Annexe 1 : La garantie des dépôts en France (https://www.garantiedesdepots.fr/). Elle est limitée à 100 000 euros par établissement de crédit. Cela veut dire que si vous avez un livret A, un LDD et un Livret d’épargne populaire contenant tous les trois 90 000 euros et que sur votre compte vous avez 20 000 euros, cela fait 110 000 euros… et que vous en perdrez 10 000 puisqu’au-delà la garantie des dépôts n’est pas appliquée. Si vous avez un compte joint, on en tient compte ; si vous avez une société, les comptes sont regroupés et « traités comme ayant été effectué par un déposant unique distinct des associés ».
Annexe 2 : le poids des commissions bancaires dans le chiffre d’affaires des banques a atteint près de 40% . Le poids des banques dans l’économie est d’environ 2,5% du PIB, ce qui est peu. Dans les 10 premières banques européennes, la France en classe 4 : maintenir ce classement est un objectif régalien de l’état. La mobilisation des ressources des déposants français est une condition pour peser au niveau mondial, comme par exemple pour les industriels français de l’eau et des déchets qui ne doivent leur prépondérance internationale qu’à l’importance de la facturation de leurs services en France.
Annexe 3 : pour mieux comprendre les dessous financiers du marché des données sécuritaires : Bill Binney, ex-directeur technique de la NSA, avait développé le logiciel « Thinkthread » (traduction non littérale : « Trouve ceux qui menacent de passer à l’acte »), et ce juste avant la destruction des tours jumelles de New-York… Or, la NSA a bloqué l’application de son logiciel… car pas assez coûteux : ce qui lui a permis de vendre au Congrès américain une rallonge financière de plus d’un milliard de dollars. Bill Binney démissionna. De là à penser que le logiciel aurait permis d’empêcher l’attentat, il y a loin tout de même. Quand on a réalisé bien plus tard que les terroristes avaient finalement développé l’attentat low cost, on s’est dit qu’on allait continuer à surveiller les mouvements de fonds de manière de plus en plus fine, à la recherche du signal « faible » qui, croisé avec l’identité du fiché, signifierait une augmentation du risque de passage à l’acte : en même temps, on augmentait exponentiellement la masse des données traitées. Le gain sécuritaire est infime, mais peu importe : c’est un business et les développeurs, une fois les outils rentabilisés dans le domaine sécuritaire, les proposent au secteur privé. Avec les objets connectés, on pourra croiser et prédire à peu près tous les comportements, le coût et bénéfice à venir des services financiers et d’assurance (par exemple, en croisant avec les données de santé et d’habitudes alimentaires). Mais les risques majeurs ne répondent pas au même modèle prédictif, c’est du moins ce que je tentais de montrer dans l’article 1. Dans les coûts, on n’intègre pas non plus le risque de faire confiance aux préjugés d’une élite sécuritaire que n’encombrent pas les questionnements et qui me semble cacher de nombreux échecs en prétendant qu’il faut monter en intensité dans la surveillance.
Annexe 4 : étymologies de « crise » : en indo-européen, la racine « krei » signifie « distinguer », « classer », « passer au tamis ». En grec « krisis » aussi, mais en plus la faculté de distinguer, voir, comprendre, faire un choix. En latin « crisis » rajoute à tous ces sens la notion « d’assaut ». Philosophiquement, la crise est donc un instrument… de connaissance.